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Une collection de collectionneurs à la Bibliotheca Wittockiana (première partie)


« Make art, not war ». C’est sur ce message, écrit sur une sérigraphie de Frank Shepard Fairey, que s’ouvre la première exposition d’un cycle que la Bibliotheca Wittockiana dédie à la figure du collectionneur.


Les habitués du musée seront surpris : des cloisons ont été montées pour créer des recoins intimes qui donnent la sensation des espaces privés où le collectionneur vit, chaque jour, en compagnie des œuvres qu’il a choisies et dont la juxtaposition parle de lui, de sa vie, de ses goûts, dresse son portrait le plus secret. L’un des murs de la grande salle a été peint dans un rouge sombre, les tableaux y sont disposés les uns au-dessus des autres comme sur les murs de quelque château. Ils forment une vaste composition au sein de laquelle l’œil circule, saisissant un jeu d’équilibre et de modulations entre les couleurs, les formats, l’espacement des cadres. « Les oiseaux noirs » de Georges Braque voisinent avec les calligraphies chimériques de Robert Helman, les épures géométriques de Jean-Pierre Raynaud et les guerriers stylisés de Mwenze Kibwanga ; le dépouillement d’une grisaille de Serge Vandercam contraste avec la fougue d’une vision d’été peinte par Gérard Titus Carmel ou avec la violence des rouilles de Pierre Soulages, à la fois rugueuses et presque translucides ; l’atmosphère étouffante d’une encre de Robert Combas semble se prolonger en diagonale dans une gravure de Pablo Picasso où explose l’énergie brute de la corrida.


Les gravures de Picasso sont l’un des fils conducteurs de cette collection. La colombe, portant dans son bec le rameau d’olivier, invite au congrès du Mouvement national de la Paix dont le nom, la date et le lieu, soulignés avec rage, sont inscrits d’une écriture fiévreuse, tremblant d’urgence et d’espoir. Face à elle s’étalent trois affiches pour les expositions des poteries de Vallauris ainsi que l’impression d’une plaque rayée pour qu’il ne soit plus possible de la tirer. Ce quadrillage de lignes, qui enferme les personnages derrière une grille, renforce la sensation poignante de la misère de ce « repas frugal » : la table est vide, les regards se détournent, les corps se serrent encore.


Dans cette collection, l’éclectisme domine. On y découvre des compositions abstraites d’André Lanskoy ou de Serge Poliakoff, un dessin d’Henri Michaux, une affiche de Chagall, les personnages fantaisistes de Lionel Vinche, les joueurs de cartes de Cézanne revus par Jacques Villon, l’énergie du trait de Jean Fautrier, les formes épurées de Marino Marini, les couleurs de Bram Van Velde, le minimalisme de Michel Mouffe, les forêts torturées de Robert Helman, le corps d’une femme allongée qui, transfiguré par Henry Moore, devient une vague...


L’une des images les plus marquantes de l’exposition est un bois gravé de Frans Masereel où des colombes blanches s’échappent en tourbillon de la Grand-Place de Bruxelles. Il ne faut pas non plus manquer la vision hallucinée, que l’on doit à Léon Spilliaert, d’une silhouette taillée dans un pan de lumière. Elle surgit et écarte la nuit pour verser de l’eau dans une fontaine…


Au premier étage, le port de Zeebruges peint à l’aquarelle en 1919 permet de découvrir Delvaux avant Delvaux, encore imprégné d’expressionnisme avant qu’il ne s’avance vers le silence et le rêve. Eugène Dodeigne offre un nu couché fantomatique auquel répond une reproduction de la femme dans un bain de Roy Lichtenstein. Enfin, un dessin d’Armand Simon présente un nid gigantesque, hérissé d’épines, posé au sommet d’une colonne. Son titre, « Le secret bien gardé », invite peut-être à réfléchir au mystère inhérent à chaque collection.


Pouvoir découvrir ces œuvres est un privilège. Il ne reste qu’une semaine pour en profiter. L’exposition se finira en point d’orgue lors des journées du patrimoine, le samedi 14 et le dimanche 15 septembre. La Bibliotheca Wittockiana proposera, à cette occasion, des visites guidées et des concerts.


Collection#1

Bibliotheca Wittockiana

29.05.2019 - 15.09.2019

ouvert du mardi au dimanche de 10 à 17 h

23 rue du Bemel, 1150 Woluwe-Saint-Pierre



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