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A bookshop ? No, a library !


Jacques De Decker nous a quittés. Il était l'incarnation de l'enthousiasme et de la curiosité intellectuelle. En hommage à ce grand homme, nous republions un texte qu'il avait écrit dans Francophonie vivante en 2015. Il y défendait le rôle du libraire.


A bookshop ? No, a library !


Notre professeur d’anglais avait coutume de nous mettre en garde contre les « faux amis ». Il s’agissait de ces mots anglais qui nous paraissaient familiers parce qu’à peu près similaires à des mots français, mais qui n’en étaient absolument pas les synonymes. Ainsi le terme « library ». Non, nous disait le maître, ce n’est pas la désigna­tion d’une librairie, mais d’une bibliothèque. Les Anglais, pour ces magasins qui proposent des livres à la vente, parlent de « bookshops ». Cette ambiguïté m’a toujours intrigué. Aujourd’hui, elle me ravit. Parce qu’il est vrai que les librairies, pour autant qu’elles sub­sistent, se mettent à ressembler de plus en plus à des bibliothèques.


Les commerçants qui en sont les gestionnaires le savent bien. Ils sentent qu’ils ne font pas seulement commerce de livres en tant que marchandises. Ils savent qu’ils ne justifieront leur entreprise que pour autant qu’elle se mue en espace où souffle l’esprit.


On le constate chaque jour un peu plus : les librairies – pour autant qu’elles subsistent, je le répète avec insistance – sont de plus en plus des espaces ouverts où, d’abord, les livres s’offrent à la contemplation et même à la consultation et pas seulement à leur négoce. C’est pourquoi il se passe plein de choses dans les librairies aujourd’hui : on y rencontre des auteurs, des illustrateurs et surtout des conseillers qui sont justement les libraires eux-mêmes et indi­quent par leur comportement qu’ils ne sont pas des boutiquiers comme les autres. Ou plutôt qu’ils sont les héritiers de ces marchands de saveurs du temps jadis, où les épiciers, les légumiers, les fromagiers savaient ce qu’ils vendaient, et s’entendaient à le vanter, le commenter, voire l’analyser.


Certes, il y a aussi, il y a toujours des bibliothèques « inspirées », où les préposés ont à cœur de guider les lecteurs, de les parrainer en quelque sorte. Mais le secteur de la librairie, en partie du fait de la mégalomanie des grandes surfaces, avait de plus en plus abandonné cette mission presque didactique qui ne perdait pas de vue la notion d’agrément, bien sûr. Il s’est heureusement aperçu à temps qu’il ne survivrait aux grandes menaces qui pèsent sur sa survie qu’à condi­tion de renouer avec le plaisir, l’assistance, l’amitié dont Maurice Blanchot a dit un jour qu’elle était une des modalités de la lecture.



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