Jacques De Decker évoque Charles Plisnier
Voici déjà un an que Jacques De Decker nous quittait. Écrivain, critique, journaliste, secrétaire perpétuel de l’Académie de langue et Littératures françaises de Belgique, il était l’un des meilleurs connaisseurs de la littérature belge, tant francophone que néerlandophone.
À propos de Charles Plisnier, il confiait cette analyse au micro d’Edmond Morrel :
« Je dirais que Plisnier est un écrivain très symptomatique d’un certain moment, à la fois de la Belgique et d’une certaine façon de l’Europe.
On sait bien que c’est un homme déchiré sur le plan idéologique, qui est passé du marxisme au christianisme et inversement, et qui, au moment même, a vécu ça très mal, mais qui aujourd’hui peut nous intéresser justement, parce qu’on est de nouveau dans un moment de bascule (qui évidemment demanderait de grands développements) qui nous situe à une sorte de croisement. Je dirais que dans ce sens-là, on peut dire de Plisnier que c’est un croisé.
Par rapport à la Belgique, il est d’abord un grand écrivain wallon, enraciné dans son Hainaut natal et même dans sa ville de Mons – encore qu’il est très peu cité, selon l’usage des écrivains francophones belges de l’époque qui cherchaient une espèce d’immersion dans l’ensemble français (ce qui a d’ailleurs dans son cas peut-être contribué à en faire le premier écrivain belge à obtenir un grand prix littéraire français, en l’occurrence le Goncourt). Dans ce sens, il illustre bien cette espèce de malaise plus ou moins latent, plus ou moins exprimé, de l’appartenance à une littérature belge de langue française ou à une littérature française de Belgique.
Pour ces deux raisons-là, Plisnier – qu’on lit trop peu peut-être aujourd’hui – devrait être réexaminé comme une espèce de double abcès de fixation. » Jacques de Decker
Entretien : Edmond Morrel
Retranscription : Julie Champenois